Sagesse, Force et Beauté

Nous construisons notre temple intérieur

D’après l’astrologie chinoise «l’essence des traditions c’est l’union de la sagesse, de la force et de la beauté». Et en se tournant vers les Indiens d’Amérique on peut le mieux percevoir la force de cette triade sublime qui se décline sous des vocables différents mais toujours identiques chez les autres peuples porteurs d’une tradition authentique.

Loge, Tolérance et Fraternité, Genève (Revue maçonnique suisse: juin/juillet 2006)

Ces hommes traditionnels sont sages parce qu’ils considèrent que tout ce qui «est» a valeur de sacré. Ils ont la force parce qu’ils ne s’usent pas à des activités puériles, et savent puiser la puissance dans l’univers autour d’eux et en eux-mêmes. Ils savent transformer la matière en objet de beauté parce que leur esprit est tourné vers le spirituel (la métaphysique) qui leur insuffle une inspiration céleste. Détachés de tout individualisme, conduisant irrémédiablement à se considérer étranger par rapport aux autres, les actes des hommes traditionnels sont humilité car négligeables devant les forces universelles. Leurs objets d’art ne sont jamais signés, puisque ce qui importe à l’artisan c’est de confectionner une oeuvre comparable à l’oeuvre cosmique. Et la flamboyance non ordinaire des monuments, objets artistiques et textes traditionnels montre qu’ils sont l’émanation d’une «connaissance non humaine», faits par des individus inconnus qui par leur nature particulière et leur aptitude à s’identifier à cette connaissance universelle ont transformé, dans le sens étymologique, la matière pour lui donner la force des lois métaphysiques.

Nos trois mots sont ancrés dans le parcours de tout maçon, d’obédience et de rites différents.

Un dictionnaire maçonnique dit ceci: «Les piliers représentent respectivement la sagesse (pour inventer), la force (pour diriger), et la beauté (pour orner).Il ne faut pas confondre les piliers avec les colonnes, comme l’ont fait plusieurs commentateurs maçonniques».

Inventer, vaincre et atteindre l’objectif assigné

Nos trois vertus se rattachent au vocabulaire des bâtisseurs de cathédrales. La sagesse va présider à la construction de l’édifice, elle va inventer, et vaincre les passions, elle va permettre de penser le travail et de le coordonner aux fins d’un résultat parfait. La force est l’action, mais elle doit tenir compte de la sagesse car elle doit aussi diriger. Nous voyons là l’interdépendance des trois vertus. Quant à la beauté, elle est l’objectif à atteindre. Elle peut également être considérée comme un symbole de l’intelligence et par lui nous bouclons le cercle.

Si l’on considère que les piliers sont fabriqués par différents matériaux, quels seraient pour vous les types de pierres qui représenteraient la sagesse, la force, la beauté? Dans cette question certainement anodine on retrouve la liberté propre à chacun de se représenter la symbolique des trois piliers avec une vision très personnelle. Mais les piliers peuvent être aussi de styles différents, soit: ionique pour la sagesse, dorique pour la force et corinthien pour la beauté. Ne pourrait-on dire, dans ce cas, que ces piliers représentent la tradition et l’élévation, but de chaque franc-maçon. Enfin, le vénérable allume le pilier de la sagesse, le 1er surveillant celui de la force et le deuxième surveillant celui de la beauté. Alors, les piliers, symbole de lumière? Le nombre de ces derniers est de trois, comme la trinité, soit: le père, le fils, et le saint esprit. Ils deviennent une seule entité, un seul esprit, une identification vers la spiritualité, l’invisible. Ces piliers nous invitent symboliquement à explorer notre nouvelle vie d’initié maçon, notre renaissance spirituelle. Un mot générique peut en découler : l’amour. L’amour peut en effet procurer beaucoup de force pour appréhender la vie, il est source de beauté, notamment des sentiments, du coeur et de la relation avec son prochain.

Dans notre parcours profane d’être humain, de la naissance à la mort nous verbalisons les trois lumières. À l’enfance la beauté: «quel beau bébé!…». À l’adolescence la force: «que tu es devenu fort, mon fils !..». Et à l’âge avancé: «écoute la sagesse des anciens!…» On nous montre depuis notre naissance la direction de la sagesse par ces mots: «Sois sage sinon…» Voici en guise de conclusion une citation de Montaigne: «Quand bien nous pourrions êtres savants du savoir d’autrui, au moins sages ne pouvons être que de notre propre sagesse».