Quand un opératif et un spéculatif analysent les outils de la FM

Non, ce n’est pas un xième livre sur les outils et les symboles maçonniques. Parce que sa conception et sa rédaction découlent d’un travail commun entre nos deux FF∴∴Michel Cugnet et Fausto Fantini de la Loge L’Amitié à l’Orient de La Chaux-de-Fonds. Et surtout parce que leur « manuel allégé » résulte du fruit de leurs réflexions, celles d’un spéculatif, Michel, et d’un opératif, Fausto, tous deux reconnus comme tels. L’ouvrage réalisé1 s’avère finement ciselé, pertinent et passionnant. A mettre entre toutes les mains de Maçons et aussi de profanes.

Quels sont les principaux enseignements qui sont ressortis de vos réflexions, celles du Frère opératif Fausto, et de toi, le Frère spéculatif, ayant donné naissance à votre ouvrage commun ?

F∴ M. C. : Pour moi comme pour Fausto, qui le confirme, nous avons écrit cet ouvrage justement pour trier, ordonner nos propres réflexions sur la symbolique maçonnique, afin de pouvoir transmettre, autant à nous-mêmes qu’au lecteur, une sorte d’enseignement pour mieux comprendre la Maçonnerie. Mais, comme nous l’écrivions dans l’Avant- propos, notre but est que cet enseignement reste ouvert et que nos lecteurs « puissent y trouver suffisamment de grain à moudre et se nourrir de leur propre pain ».

Pourquoi l’avoir intitulé « manuel allégé » et comment se distingue-t-il de la multitude d’écrits sur la même thématique ?

En parlant d’un manuel « allégé », nous avons voulu rendre cet ouvrage lisible autant pour les membres de la confrérie que pour le public profane. Parler des outils et symboles de la Maçonnerie d’une manière exhaustive conduirait nécessairement à la rédaction d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie. Or, notre but est d’offrir au lecteur une somme suffisamment aérée, qui reste lisible et compréhensible à la majorité. Nous traitons ici de plus d’une quarantaine de symboles, alors que l’on trouve sur le marché des ouvrages entiers ne traitant, par exemple, que d’un seul symbole sur près d’une centaine de pages. Dans ce cas, notre ouvrage devrait alors compter quelque 4’000 pages !

Quelles ont été vos sources d’information et surtout d’inspiration pour éviter le dogmatisme et laisser place à la Quelles ont été vos sources d’information et surtout d’inspiration pour éviter le dogmatisme et laisser place à la voie de la liberté ?

Notre première source d’information pour éviter un discours sombrant dans un dogmatisme typique de la Maçonnerie anglo-saxonne, à savoir l’obligation de la croyance en Dieu par exemple, est celle que tout Maçon d’esprit ouvert garde en référence ce passage des Constitutions d’Anderson de 1723 : «[…] de seulement les astreindre à cette religion sur laquelle tous les Hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions; c’est-à-dire d’être Hommes de bien et loyaux, ou Hommes d’honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou confessions qui aident à les distinguer; par suite de quoi la Maçonnerie devient le centre d’union et le moyen de nouer une amitié sincère entre des personnes qui n’auraient pu que rester perpétuellement étrangères. »

Quant à nos sources d’inspiration, ce sont ces périodes de vie durant lesquelles nos personnalités réciproques se sont formées, avec des visions très libres sur la nature des choses et des idées aventureuses, nées hors des sentiers battus. Fausto est né avec une truelle en main et la garde des moutons dans les montagnes bergamasques ; moi-même, j’ai formé ma pré-adolescence dans la savane et la forêt équatoriale du Cameroun. N’y a-t-il pas là d’excellentes sources d’inspiration pour ouvrir la voie à la liberté ?

Indépendamment des armoiries de La Chaux-de-Fonds qui arborent une ruche et des abeilles, une commune où tu vis et travailles maçonniquement, tu développes largement le symbolisme de cet hyménoptère et de son habitat. Tu abordes aussi la question de l’alchimie. Peuxtu nous éclairer à ce sujet ?

Dans l’ancienne Egypte, la croyance voulait que les abeilles soient nées des larmes du dieu soleil Râ tombées sur la terre noire d’Egypte, qui se dit Al-kymia, et de là viendrait l’origine de l’alchimie. Peut-être nos Frères de jadis ont-ils choisi l’abeille et la ruche comme emblèmes de notre confrérie en voyant dans le travail de l’abeille l’image de la quête alchimique.

A l’instar de l’alchimiste qui construit son propre fourneau, l’athanor, pour y placer la matière première du Grand OEuvre, l’abeille construit les alvéoles dans lesquelles elle dépose le nectar récolté, qui donnera son or, le miel, et sa pierre philosophale, la gelée royale, véritable élixir de vie transformant une simple larve en reine. L’alchimiste suit la même voie royale, transmutant le plomb en or et se transmutant lui-même à partir de l’élixir de longue vie qu’il tire de sa pierre philosophale. Donc, pour les deux, l’abeille comme l’initié, il s’agit d’un long travail fait de patience et de savoir-faire.

A tes yeux, quels sont les symboles qui expriment le mieux le travail du Francmaçon en Loge et pour quelles raisons ?

Ce sont à l’évidence l’Equerre et le Compas. L’Equerre, parce qu’elle symbolise la rectitude et la droiture et, à travers le carré, la Terre en tant que planète, soit Gaïa, la matière de l’univers visible, la matérialité. Le Compas, parce qu’il symbolise la mesure, mais aussi l’ouverture et le cercle, l’amour du prochain, et surtout la spiritualité, l’Esprit qui donne vie à la matière. Et le travail du Franc-maçon en Loge est bien, à l’aboutissement, de passer de l’Equerre au Compas. Mais ces deux outils-symboles seraient incomplets pour le travail en Loge si l’on n’y ajoutait pas la troisième Grande Lumière, à savoir la Règle ou le Livre de la Loi sacrée.

De quelle manière votre ouvrage concourt-il à générer une dynamique d’éveil de la pensée et l’avènement de la Franc-maçonnerie universelle ?

Nous avons décidé pour chaque symbole de parler d’abord de sa fonction usuelle et de sa symbolique culturelle, mythique ou mythologique, avant de procéder à son interprétation maçonnique. Cela en essayant de garder une certaine cohérence entre les deux interprétations, de façon que l’une et l’autre restent distinctes tout en se complétant. A travers nos idées émises, nous aimerions que cet ouvrage ne soit pas considéré comme un simple outil à écrire des Planches en copier/coller, mais plutôt comme un fil conducteur pour penser plus loin, voire même autrement, dans l’idée que la Franc-maçonnerie n’est pas une façon de penser, mais une dynamique d’éveil de la pensée, pour amener celle-ci à se régénérer et à avancer dans la construction et la compréhension de soi-même et de notre monde, dans un esprit de véritable universalité. D. P.