La chaîne fraternelle et la lettre «T»

Cette lettre est une image fondatrice de la Franc-Maçonnerie. Elle présente un aspect émo-tionnel marqué et qui constitue et représente un sommet du travail au Temple. Elle est parfaite-ment à sa place lorsque l’on désire faire comprendre à quelqu’un ce qu’est l’essence de notre Ordre ou lorsque l’on cherche à ramener un peu de clarté dans propre vision : la Chaîne d’Union. Son lien avec la notion de « temps » est très fort.

La Chaîne d’Union ne se borne pas à constituer un symbole d’elle-même en-dehors d’elle-même. De manière bien plus affirmée, elle est vécue pour ce qu’elle est réellement : la com­munauté des Frères, sans tenir compte du grade ou de la fonction. Elle engendre ainsi un champ d’énergie, que l’on a assimilé de temps immémorial déjà à l’animal archétypique que l’on a appelé « l’animal qui se mord la queue », l’ « Ouroboros ».

L’horizontale et la verticale

La Chaîne d’Union possède des dimensions spatiales, temporelles et spirituelles. Sur le plan spatial, elle comprend le Temple, mais aussi tous les continents. Sur le plan temporel, elle prend vie dans le déroulement des Travaux au Temple, situés sur un axe englobant le passé, le présent et l’avenir. Sur le plan spirituel, elle constitue une expérience ésotérique qui contribue à la réalisation de l’individuation, mais conduit simultanément l’homme en-dehors de lui-même. C’est ce qui permet de la considérer comme un « T ».

La verticale est là pour symboliser le lieu, l’ « instant favorable » en tant que moment propice et pour l’individu. Elle met en évidence le foyer, la profondeur et l’aspect personnel, l’endroit où se situe l’individu, ce qui dépasse l’instant actuel et tout ce qui constitue le ca­ractère individuel. Elle symbolise et constitue l’ouverture, la largeur et le collectif. Le « T » fait de la Maçonnerie un évènement vécu intégralement et lui fournit également une compré­hension de son essence.

De génération en génération

Lors des Travaux au Temple, le moment de la création de la Chaîne d’Union est susceptible de mettre en évidence sa propre dramaturgie. Les Frères présents vivent, au sens premier du terme, l’aspect collectif de la scène et contemplent d’un œil nouveau la lumière maçonnique. La notion d’acte temporel peut  encore être considérée d’un autre point de vue. Dans  ces moments privilégiés, nous faisons partie de l’histoire. Le passé, le présent et l’avenir de la Franc-Maçonnerie se recoupent en nous et se confondent. Nous sommes devenus « le » membre dont tout dépend. C’est une tâche exigeante.

Nous travaillons avec des éléments symboliques et rituels, dont certains existent depuis des siècles et possèdent une valeur considérable. Nous, Maçons de l’époque présente, nous nous devons de saisir l’esprit de ces éléments et de le conserver en vie – peut-être sous des formes nouvelles. Ce n’est qu’une formulation mais peut-être même un symbole ou un élément ou un élément du rituel dont nous ne comprenons plus le sens profond et qui ne sont plus alors pour nous qu’une coquille vide. Aussi exigeante, difficile à comprendre qu’elle soit, une nouveauté peut être en définitive essentiellement nécessaire. Mais, pour comprendre cela, il faut faire preuve de perspicacité et garder l’œil ouvert.

Il est proprement fascinant de constater la somme de connaissances maçonniques subsistant dans les Loges. Des séances d’instruction, des discussions entre Frères, peut-être

également des archives avec la richesse en Planches et autres textes instructifs peuvent jouer là un rôle dont l’importance ne peut être négligée. Mais les Maçons utilisent-ils cette mine de savoir avec l’assiduité qu’elle mérite ? Dans ce domaine également, il s’impose de transmettre d’une génération à l’autre l’esprit de l’Art Royal, en d’autres termes de former la chaîne. Ce n’est qu’ainsi qu’une Tradition digne de son nom pourra se transmettre. T.M. / Ph.V.