L’animisme : croire au surnaturel

L’animisme relève de la métaphysique, car il interpelle l’homme sur sa condition par rapport au divin. L’animiste croit en l’existence d’êtres spirituels, d’esprits ou de génies directement rattachés au divin, qui se révèlent à lui au détour de phénomènes mystérieux entourant son quotidien. Dans cette spiritualité, aucune référence au Grand Architecte de l’Univers, ni à Dieu. En Franc-maçonnerie, on la retrouve dans le courant occultiste.

L’ethnologue britannique Edward Burnett Tylor ( 1832-1917 ) désignait l’animisme des peuples précédemment appelés primitifs d’Afrique, d’Asie, d’Indonésie, d’Océanie, d’Amérique du Nord et du Sud, de la manière suivante : la croyance que les êtres humains, mais aussi les animaux et les végétaux possèdent une âme, et la croyance que des esprits vivants ou des puissances indépendantes de l’homme sont à l’oeuvre dans le monde environnant. Une sensibilité au surnaturel forme le socle de l’animisme.

Pour les pratiquants de l’animisme – certaines ethnies, nettement moins nombreuses qu’au cours des siècles précédents, s’en réclament encore –, deux réalités coexistent : l’une tangible, celle du corps, et l’autre intangible, celle de l’âme. Cette dernière englobe les concepts d’esprit, de souffle, d’ombre, de force vitale. L’âme désigne ainsi quelque chose qui vit en dehors de la vie concrète et revêt plusieurs formes; elle est une étincelle de la divinité ou de la force vitale donnant vie au cosmos. Les animistes considèrent que l’âme possède différentes vertus, bénéfiques ou maléfiques, et fait parfois preuve de fragilité. Si l’homme possède une âme, il peut également en être dépossédé. En effet, l’âme qui se déplace dans les rêves et erre à sa guise auprès des génies et des dieux peut être ravie par des sorciers de mauvais augure. Dans le culte animiste de la mort et des ancêtres, l’âme d’un défunt ne meurt pas et peut se manifester lors d’un événement particulier. Certains animistes croient d’ailleurs en sa réincarnation dans d’autres corps, une incarnation éternelle, une transmigration immuable des âmes.

Une initiation obligatoire

L’univers animiste évoque un monde enchanté, un monde de mythes avec des ramifications symboliques, où tout porte un sens par rapport à l’ensemble, où tout acte s’accomplit par rapport à une force, elle-même considérée comme moteur du monde des esprits, des ancêtres, des mânes ( les âmes des morts élevées au rang de divinités ). Assimilée à une puissance, cette force demeure imprévisible, surnaturelle, principe qui régit le cosmos. L’univers animiste désigne aussi un monde divin, au sens que toute chose, tout acte, est empreint de divin, derrière lequel se manifestent les esprits, les génies, les êtres surnaturels invisibles, tous autonomes.

Une initiation orale et gestuelle sur les rites et les mythes est requise pour pratiquer l’animisme; elle est même obligatoire pour tout membre d’une ethnie ayant atteint certaines conditions d’âge. L’initiation a un lien avec le social, puisque le récipiendaire passe d’un statut de « non-être », d’enfant, à celui d’adulte, d’être mature et responsable. Transformation lente et mesurée, elle fait passer l’initié d’un état d’extériorité à un état d’intériorité. Etre initié à l’animisme, c’est entrer dans la ronde des générations et faire corps avec le cosmos. L’initié revêt ensuite une attitude chamaniste, c’est-à-dire un être doté de certains pouvoirs qui établit un lien entre l’homme et le divin, ou une attitude de possession qui se caractérise par l’empreinte du divin sur sa personne.

L’animisme n’est ni une religion universaliste voulant rassembler les peuples du monde entier sous le même culte, ni une religion basée sur une révélation. Il est plutôt une religion « du terroir », où chaque ethnie, chaque village a son propre animisme basé sur une tradition spécifique, originale, ayant des similitudes avec les cultes voisins, mais différents dans leur élaboration. De plus, l’animisme ne cherche pas à convaincre qu’il détient la Vérité, une et indivisible. Nul emblème non plus, statue ou icône, à l’effigie d’une divinité vénérée. Son totem, en revanche, représente un animal ou un végétal. Considéré comme un symbole de protection, il constitue le lien entre la nature et le sacré, entre l’ethnie et le monde des esprits.

La Nature, l’Homme et Dieu

En Franc-maçonnerie, la spiritualité animiste se retrouve dans le courant occultiste. Pierre Riffard, philosophe et spécialiste de l’ésotérisme, estime que l’occultisme, en tant que croyance, affirme l’existence de « fluides » manifestant un monde invisible à l’intérieur du monde visible. L’occultisme recherche des analogies et des correspondances entre le visible et l’invisible, mais aussi entre les divers êtres.

Dans son Traité élémentaire de Science occulte, Papus ( Dr Gérard Encausse ) explique que l’Univers est un tout qui se compose de trois principes : la Nature, l’Homme et Dieu. L’Homme « microcosme », c’est-à-dire l’Univers en réduction, contient en lui les lois régissant l’Univers « macrocosme ». La Nature, elle, est le point d’appui et le centre de manifestations des autres principes. L’Homme agit sur cette Nature par l’action de ses congénères et par le Verbe – Logos –, puis s’élève jusqu’à Dieu par la prière et l’extase. L’Homme est en fait le lien qui unit l’ensemble de la création à son créateur. Celui-ci agit providentiellement et domine l’Univers, dont il veut ramener tout ce qui le compose à l’unité de direction et d’action. Dieu éclaire l’Homme dans son cheminement spirituel, mais ne peut s’opposer à aucune des deux autres forces primordiales. L’Homme, lui, se manifeste par la volonté qui lui permet de lutter contre le destin, et d’en faire son maître alors que, chez la plupart des humains, il est le maître. La Nature se manifeste par l’action de ce destin. Et Papus d’affirmer que les faits sont du domaine de la Nature, les lois du domaine de l’Homme et les principes du domaine de Dieu.

Robert Amadou, pour sa part, élève l’occultisme au rang de philosophie. Il le définit « comme l’ensemble des doctrines et des pratiques fondées sur un fonds commun, qui est la théorie des correspondances ». Par théorie des correspondances, il entend « la théorie selon laquelle tout objet appartient à un ensemble unique, et possède avec tout autre élément de cet ensemble des rapports nécessaires, intentionnels, non temporels et non spatiaux ». Autrement dit, l’occultisme fournit la connaissance d’une série de lois régissant l’Univers qui englobe la Nature, tandis que la pratique occultiste indique les possibilités de leur mise en oeuvre. D. P.

 

Sources: Bon, Denis. L’animisme – L’âme du monde et le culte des esprits, Editions de Vecchi, Paris, 1998 Papus. Traité élémentaire de Science occulte. Editions Dangles, St-Jean-de-Braye, 1989 (vingtième édition)