Des Loges de prisonniers pour la survie des Frères

Pendant la Première Guerre mondiale, des Loges de prisonniers se créèrent discrètement dans les camps d’internement. Une manière pour les Frères de combattre l’oisiveté, l’ennui et de mieux supporter l’insoutenable. Bref éclairage, exemples à l’appui.

Pour l’essentiel, ce sont des Frères anglo-saxons et allemands qui fondèrent les Loges de prisonniers. Quant au millier de Maçons parmi les 600’000 internés français, ils ne parvinrent pas à créer des Loges. Globalement, le phénomène des Loges de prisonniers resta toutefois relativement modeste. Elles émergèrent surtout dans des camps où les conditions de vie furent plutôt acceptables.

Dans l’Île Longue en rade de Brest, un camp d’internement pour civils, militaires allemands et alliés du Reich, capturés en mer ou arrêtés au début des hostilités, vit dès janvier 1918 l’émergence de la Loge In Ketten zum Licht; douze prisonniers s’étant reconnus comme Frères l’installèrent dans le compartiment d’un grand baraquement. En février de la même année, ils firent passer une annonce en termes camouflés dans le journal du camp, Die Insel-Woche, afin de trouver d’éventuels autres Frères prisonniers. Sans succès. Cette Loge organisa quatre Tenues et écouta deux Planches jusqu’à la suspension des Travaux à la Saint- Jean de l’été 1918, quand le bruit courut que les prisonniers seraient rapatriés dans leur pays, ce qui fut le cas, pour les derniers, en décembre 1919. Pour des raisons de sécurité, les Frères brûlèrent tous les documents maçonniques.

La première manifestation maçonnique de prisonniers anglo-saxons fut une lettre datée du 10 octobre 1914, signée par dix-neuf Frères anglais, écossais, australiens et américains capturés en mer et internés un temps sur un cargo en rade de Santa Cruz de Tenerife. « Plus important fut l’envoi, le 9 décembre 1914, d’une lettre signée par 112 Frères internés dans le camp de civils à Ruhleben, proche de Berlin », relève Yves Hivert-Messeca1. La Grande Loge Unie d’Angleterre les aida matériellement et moralement, même si, apparemment, ils maçonnèrent peu.

Des Loges de prisonniers officiellement constituées travaillèrent également aux Pays-Bas. Au printemps 1915, près de Groningue, parmi les 1’500 militaires britanniques de la Royal Naval Division capturés lors de la prise d’Anvers et internés aux Pays-Bas, neuf Maçons se constituèrent en Loge appelée Gastvrijheid (Hospitality). Elle fut solennellement installée le 22 mai 1915, tint 55 Tenues pendant ses trois ans et demi d’existence et procéda à 64 initiations. Cet Atelier travailla au rite moderne, celui de l’Obédience néerlandaise, mais traduit en anglais. Il aida également à la formation d’une deuxième Loge militaire, Willem van Oranje Lodge, qui totalisa 41 fondateurs. Consacrée le 16 juillet 1918 et composée de prisonniers de guerre transférés d’Allemagne aux Pays-Bas, elle réalisa dix-huit affiliations et vingt initiations. Après la guerre, ces deux Ateliers furent intégrés au sein de la Grande Loge Unie d’Angleterre. D.P.

Sources: Hiram et Bellone – Les Francs-maçons dans la Grande Guerre (1914-1918) de Yves Hivert-Messeca (Editions Dervy), 1 L’Europe sous l’acacia de Yves Hivert-Messeca, tome 2 (Editions Dervy)