Occident / Orient : dualité ou complémentarité ?

Dans le monde profane, l’Occident et l’Orient se complètent en particulier sur les plans spirituel et culturel. La Loge maçonnique, pour sa part, est située de l’Occident à l’Orient, de manière à s’opposer, à énoncer la dualité. Pourtant, tous deux s’harmonisent dans la quête de Lumière de l’initié. Bref focus sur l’Occident, du latin occidens qui désigne la direction où le soleil disparaît à chaque fin du jour, où la lumière se retire.

Comme le rappellent les deux auteurs Marie Lorenzi et Maxime Giraudon1, aux deux espaces Occident et Orient sont rattachés des symboles particuliers. Cette représentation s’inscrit dans une appréhension du macrocosme où s’énonce une dualité qui marque l’opposition ou la complémentarité nécessaire à l’émergence du principe du ternaire. Ainsi, l’Orient s’oppose à l’Occident, le Midi au Septentrion, le Zénith au Nadir, et l’ensemble forme un espace tridimensionnel. L’Orient est synonyme de jour, d’activité, de naissance, de renaissance ou d’immortalité, car c’est la direction du soleil levant. « Par opposition, relèvent-ils, l’Occident – la direction céleste du soleil couchant – symbolise la nuit, le repos, la réflexion, l’inconscient, la mort. Il peut, par extension, représenter non seulement l’espoir de la renaissance du jour, mais aussi la fatalité inéluctable. » D’ailleurs, la phrase de l’Ecclésiaste ( IIIe siècle av. J.-C ) Vanitas, vanitatum, et omnia vanitas, qui signifie « vanité des vanités, tout est vanité », pourrait bien figurer au fronton de l’Occident. Une superbe méditation sur la finitude humaine…

Le Premier Surveillant est placé à l’Occident où s’arrête, dans les limites du temple, la lumière qui provient de l’Orient. L’Occident préfigure le monde profane, matériel dont il est séparé par la porte du temple qui est gardé par le Couvreur. D’où l’importance de cette fonction, on ne le répétera jamais assez, puisque cet officier a pour mission de veiller au dépôt des métaux à la porte du temple, c’està- dire au dépôt de l’ego des Frères avec son cortège de travers. Quant à l’Orient, il désigne le monde de l’esprit et de l’abstraction.

L’Occident, monde manifesté perceptible par les sens, serait donc bien les ténèbres, alors que l’Orient désignerait le lieu de la création, de l’origine de toute chose. Cette orientation sert à rappeler à l’initié d’où vient la Lumière. Dès lors, il n’appartient qu’à lui de travailler sur sa propre construction, son perfectionnement, son élévation. Dans cette opposition entre lumière et ténèbres, monde spirituel et monde profane, on retrouve l’une des thématiques de l’initiation ou des initiations. A chaque fois, le phénomène néfaste de la séparation est mis en exergue de manière à laisser émerger la réunification comme vecteur de transcendance. Seule cette transformation permet à l’initié d’obtenir le « métal idéal » pour devenir la « pierre idéale ».

On ne saurait conclure ces quelques réflexions sans évoquer quelques bribes des réflexions de René Guénon issues de son ouvrage La crise du monde moderne ( 1927 ). Ce grand inspirateur des pensées et des penseurs de la Tradition divisait l’état du monde (à son époque) en deux civilisations: l’une, la civilisation de l’Orient demeurée fidèle à l’esprit traditionnel et l’autre, la civilisation de l’Occident proprement anti-traditionnelle; cette opposition serait davantage celle des esprits que des entités géographiques. Aux yeux de René Guénon, les Occidentaux trouvaient toutefois grâce: « si tous les Occidentaux ne sont pas unanimes à se contenter du développement exclusivement matériel de la civilisation moderne, c’est peut-être là un signe que, pour eux, tout espoir de salut n’est pas encore entièrement perdu. » Oui, du chaos de l’Occident sort la sagesse de l’Orient. D. P.

1 L’éternel Apprenti ou l’intelligence des mystères,EditionsDervy,2016cu