Le zoroastrisme : libre choix entre le Bien et le Mal

Le prophète Zoroastre enseigne le chemin du libre choix entre le Bien et le Mal à ses disciples toujours vivants, les zoroastriens. Sa religion, le zoroastrisme, propose des directions spirituelles sans dogmatisme ni fatalisme, car chacun a la liberté d’agir à sa guise. C’est le salut qui est en jeu, entre la récompense ou le châtiment, le paradis ou l’enfer.

Le prophète Zoroastre (nom grécisé de Zarathustra) fonda le zoroastrisme et lui donna son nom, l’une des premières religions monothéistes de l’Iran préislamique dévolue au culte du dieu Ahura Mazda. Ce dernier révéla à Zoroastre que les divinités du mazdéisme polythéiste n’étaient que différentes représentations de lui-même; il était donc bien le dieu unique ou absolu, appelé à devenir l’Esprit Actif. Les historiens disposent de peu de données précises sur Zoroastre. Il serait né en Iran entre le IXe et le VIIe siècle avant notre ère, mais les dates les plus diverses ont circulé à son sujet : de 6’300 (par les Grecs anciens) à 100 avant notre ère, le curseur s’étant longtemps arrêté sur les VIIe et VIe siècles, avant de remonter vers les 1’500 à 1’000, toujours sans aucune preuve.

Orientation de pensée

L’essence du zoroastrisme se trouve dans la notion de libre arbitre. Tout homme, selon Zoroastre, a le choix entre le Bien et le Mal ; chacun est donc responsable des choix qu’il fait sur terre. Les disciples de cette théologie du dualisme, les zoroastriens, retrouvent cette liberté de choix dans les Ghatas, des odes ésotériques à la lutte entre les deux forces qu’incarnent Spenta Mainyu, l’esprit du Bien, de la vie, de l’intelligence, de la lumière, et Angra Mainyu, l’esprit du Mal, de la non-vie et de l’erreur, tous deux créés par le dieu Ahura Mazda. L’Avesta, le livre sacré des zoroastriens, pour sa part, s’apparente à un recueil de textes et de prières écrit en iranien ancien, qu’ils récitent quotidiennement. Cette « Bible » du prophète Zoroastre leur donne une orientation de pensée et les incline à agir en fonction des trois grands principes du fondement de la religion: bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions.

Le zoroastrisme figure comme la première religion à avoir proposé une voie du salut personnel, sanctionnée par une survie différenciée de l’âme, en enfer ou au paradis, selon ses actions terrestres, en attendant la résurrection finale. L’enseignement de Zoroastre insiste sur l’importance de la prière, de l’humilité, du don de soi et de la bonne humeur, clés essentielles d’une vie spirituelle : « Ne ratez jamais une occasion de faire une bonne action. L’art de prier est de ne jamais prier pour soi-même, mais toujours pour son prochain. Soyez joyeux, riez autant que possible. Le rire est le meilleur médicament. » Quant au sens de la sagesse et de l’éveil, le prophète les définit ainsi : « La sagesse est la capacité permettant à l’esprit de prendre des décisions basées sur l’information accumulée et les expériences passées. Elle implique également la connaissance de soi, de ses origines et de sa vie. Nos décisions évoluent avec notre niveau d’information. Quand l’esprit a intégré et converti en sagesse suffisamment de connaissances, la sagesse intérieure commence à se dévoiler avec l’aide de l’Intelligence Universelle. Un moment arrive où tout paraît rentrer dans l’ordre et l’univers entier semble être un seul organisme. Tout ce qui n’est pas significatif se fondra automatiquement dans l’insignifiance. Cet état est appelé Éveil, Illumination. »

Les zoroastriens perçoivent le monde, son origine et sa finalité comme un échiquier géant qu’a créé leur dieu Ahura Mazda pour accueillir la bataille qui l’oppose à son pendant démoniaque Ahriman. Dans ce théâtre, chaque homme est un acteur de la scène de combat qui doit se jouer douze millénaires durant, depuis l’assaut d’Ahriman jusqu’à la victoire d’Ahura Mazda, donnant lieu à la rénovation ou régénération du monde lors de laquelle la création retrouvera sa perfection d’antan. Dieu établira alors son royaume sur la terre ; les méchants seront réduits à l’impuissance et la félicité régnera. C’est dans cette optique que les zoroastriens développent leur doctrine et leurs préceptes.

Le culte du feu sacré

Religion d’État de l’empire perse sous la dynastie des Sassanides (226-651), le zoroastrisme a commencé à fortement décliner après l’arrivée de l’islam. Aujourd’hui, une poignée de Parsis (venant de Perse) adorateurs du dieu Ahura Mazda (les mazdéens) – le nombre de 20’000 est articulé – est répartie entre les Etats-Unis, l’Iran et surtout l’Inde, en particulier à Mumbai (anciennement Bombay) dans l’État du Gujarat. Ils s’engagent dans l’action professionnelle et sociale avec de bonnes pensées, sans prosélytisme et en rejetant toute forme de violence, d’idolâtrie ou d’oppression.

Les Parsis continuent à maintenir vivant le culte du feu sacré ou originel, en le préservant et en l’honorant, car considéré spirituellement comme la véritable incarnation du dieu Ahura Mazda. Dans leurs demeures, il est, par exemple, formellement interdit de souffler sur une flamme, l’haleine étant impure, mais aussi de jeter des détritus dans le feu, d’y incinérer des corps ou, d’une façon générale, de le gaspiller. Le sacré trouve son apothéose dans un « Temple de Feu », qui est un espace magique exclusivement réservé aux Parsis, où trône une représentation du prophète Zoroastre ; un foyer au milieu de l’édifice, le Saint des Saints, permet de communiquer directement avec Ahura Mazda. Les disciples jettent des morceaux de bois de santal dans ce feu sacré, parfois dans plusieurs autres, douze précisément, qui, soumis à divers rituels pour les purifier, sont rassemblés en un seul. Les Parsis croient que le feu lave les mauvaises pensées et aide à agir avec conviction en suivant la vérité et le droit chemin.

omme ils estiment que la mort est sale, puisqu’elle est l’incarnation du Mal, ils pratiquent aussi des rites funéraires bien spécifiques. Pour purifier les défunts et ceux qui les ont approchés, leurs prêtres effectuent des cérémonies précises sans regarder les corps qui ont été lavés et isolés. Les dépouilles sont ensuite amenées aux « Tours du Silence » au coeur de Mumbai, que dissimule une végétation dense, puis déposées à leurs sommets. Les quelques vautours présents viennent s’en repaître, le temps que l’âme puisse prendre son envol vers le grand soleil, donnant ainsi un sens religieux et généreux à la mort, un principe du zoroastrisme.

Le surhomme de Nietzsche

Dans La Flûte enchantée, Zoroastre a inspiré Mozart ; on le retrouve dans le personnage de Sarastro, dont l’enseignement, qui conduit Tamino et Pamina vers la vérité, fait peu à peu apparaître sa profonde sagesse et sa grande bonté. Mozart, mais aussi Richard Strauss (Opus 30, Also sprach Zarathustra), et davantage encore le philosophe allemand Friedrich Nietzsche, père du nihilisme, et auteur d’une oeuvre majeure parue en 1885 qui remet l’homme en question et en cause : Ainsi parlait Zarathoustra.

Nietzsche voit en Zarathoustra un surhomme, un être libre, supérieur et autonome, contrairement à l’homme contemporain qui est un être domestiqué. Par surhomme, le philosophe entend qu’« il n’est personne et personne ne sera jamais lui. Il représente l’affranchissement de toutes les contraintes : je suis de n’être rien ». Dans le domaine de la morale, « il n’est personne pour détenir la morale de personne. » Le sens profond du Zarathoustra de Nietzsche serait de tenter de découvrir des voies de la pensée indépendantes de tout système de référence et d’adhésion, de toute soumission à tel ou tel impératif, de toute appartenance à tel ou tel ensemble, de toute inclusion dans une évolution historique. Nietzsche, qui privilégie la « volonté », démontre ainsi le leitmotiv du Zarathoustra: «rejeter tout ce qui n’est pas voulu, conquis comme tel, tout ce qui est subi. C’est le sens du « deviens celui que tu es ». Contre tout ce qui est abdication de soi-même. »

Avec cet ouvrage, Nietzsche était convaincu d’avoir dépassé toutes les limites de la profondeur philosophique. Il le considérait comme un dithyrambe à la solitude, à la pureté. D. P.

 

Sources:
Jacques Duchesne-Guillemin, Zoroastre, étude critique, 1948
Le Monde des religions, édition 27 (janvier-février 2008)
Le Monde des religions, édition 80 (novembre-décembre 2016)
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche, Ed. Le Livre de Poche, Paris 1983