Le temps partiel, une opportunité de se réaliser différemment ?

Plus d’un tiers des personnes actives en Suisse travaillent à temps partiel. Cette forme d’organisation du travail reste majoritairement pratiquée par les femmes pour des raisons familiales. Toutefois, le temps partiel attire de plus en plus d’hommes et constitue une réponse à la demande croissante de flexibilisation du travail. Le temps partiel permet notamment de cumuler simultanément plusieurs activités ou métiers. Cette nouvelle tendance semble séduire les plus jeunes générations en quête d’expériences variées, d’autonomie et de liberté.

L’Office fédéral de la statistique définit les personnes actives occupées à temps partiel comme étant celles dont le taux d’occupation est inférieur à 90 %. Les emplois à temps partiel se sont développés depuis les années 1960. Si le temps partiel était à l’origine une forme d’outil conjoncturel d’adaptation à la demande, il a aussi joué un rôle important dans la progression de l’activité professionnelle des femmes avant de devenir un mode d’organisation du travail permettant de répondre à un besoin croissant de flexibilité. En Suisse, les employés à temps partiel représentaient 39 % de la population active en 2019, ce qui correspond au second taux le plus élevé en Europe.

De fortes disparités entre femmes et hommes

Le temps partiel est pratiqué par 59 % des femmes et 17 % des hommes. Concrètement, les trois quarts des personnes travaillant à temps partiel sont de sexe féminin, ce qui représente un rapport de 1.26 mio de femmes pour 435’000 hommes. Toutefois, le nombre d’hommes travaillant à temps partiel a augmenté durant les cinq dernières années de 27 % contre 7 % pour les femmes. Il semblerait même qu’il y ait un effet générationnel qui soit observable chez les hommes mais pas chez les femmes. A 35 ans, seulement 6 % des hommes baby-boomers (1946–1964) travaillaient à temps partiel contre 9 % de ceux de la génération X (1965–1980) et 14 % des milléniaux (1981–1996). Cette tendance semble encore se confirmer avec l’arrivée de la génération Z (1997–2012).

Les raisons du travail à temps partiel

La principale raison de travail à temps partiel est la garde des enfants (21 %) suivie par les autres responsabilités familiales (18 %). Ce constat montre l’importance du temps partiel dans la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Toutefois, de fortes différences subsistent entre les sexes. Ainsi, les hommes choisissent avant tout de travailler à temps partiel pour suivre une formation ou des études (17 %) ou simplement parce qu’ils ne sont pas intéressés à travailler à temps plein (17 %). Les autres principales raisons sont l’exercice d’une activité secondaire (13 %) et le fait de ne pas avoir trouvé une activité à temps plein (9 %). Les responsabilités familiale (6 %) et la garde des enfants (6 %) sont des raisons beaucoup moins évoquées par les hommes. Et pourtant, une étude de Swiss Life consacrée aux parents suisses suggèrent que 87 % des pères souhaiteraient travailler à temps partiel.

La réalité contrastée du temps partiel

Une étude de l’OCDE montre que les personnes à temps partiel en comparaison à celles à temps plein sont plus souvent dans une situation de précarité financière et tendent à percevoir un salaire horaire inférieur. Les hommes à temps partiel sont généralement moins satisfaits que ceux à temps plein, alors que cette insatisfaction n’est observable que chez les femmes pour qui le temps partiel est subi et non choisi. Une étude menée en Suisse montre aussi que le temps partiel reste un frein à la progression de carrière et que les personnes à temps partiel tendent à recevoir de moins bonne évaluation de performance du fait de « biais de perception » par rapport à celles travaillant à temps plein.

A l’inverse, l’étude de l’OCDE montre que les personnes à temps partiel comparées à celles à temps plein ont une meilleure maîtrise et un meilleur aménagement de leur temps de travail, que leurs horaires sont plus rarement considérés comme difficiles (travail le dimanche, de nuit, journée de plus de 10h), qu’elles sont moins nombreuses à faire état de stress au travail ou à estimer que leur emploi représente une menace pour leur santé et leur sécurité.

Réponse au besoin croissant de flexibilité

Les spécialistes estiment que le temps partiel continuera à se développer car il répond à un besoin croissant de flexibilité. La qualité de vie que nous avons la chance d’avoir dans notre pays permet à de nombreuses personnes de s’affranchir volontairement du modèle des générations précédentes qui n’hésitaient pas à sacrifier leur vie privée au profit de leur activité professionnelle. Une récente étude révèle que le temps partiel est devenu attractif pour une majorité des jeunes romands (52 %). On retiendra d’une étude de McKinsey qu’une des caractéristiques de cette nouvelle génération est qu’elle cherche à vivre des expériences personnelles enrichissantes. Plus généralement, la santé, le bien-être au travail et la qualité de vie sont devenus des enjeux particulièrement importants. Si les talents considèrent le temps partiel comme une réponse à leurs besoins alors les entreprises n’auront d’autres choix que de développer cette pratique pour la mettre en évidence dans leur marque employeur.

Développement personnel et temps partiel

Le besoin de flexibilité de notre société moderne reflète en partie la valorisation croissante de la pluriactivité. Les slasheurs et slasheuses, en référence au signe « / » qui permet de séparer les fonctions exercées, sont des personnes qui s’épanouissent dans la réalisation de plusieurs activités en parallèle exercées à temps partiel plutôt que dans la « sécurité » d’un emploi figé à temps plein. Cette nouvelle forme d’organisation de vie promeut la polyvalence en réponse à la culture de la spécialisation. Il pourrait aussi s’agir d’une stratégie pour faire face aux périodes de crise et qui évoque l’adage selon lequel il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Les personnes slasheuses sont décrites comme curieuses, énergiques, passionnées, cherchant à se former en permanence et faisant preuve d’une grande élasticité cérébrale. Certains jeunes trouvent un intérêt dans ce mode d’organisation car ils peuvent parvenir à obtenir le même salaire à la fin du mois que dans un travail unique mais en multipliant les expériences intéressantes et en préservant leur sentiment de « liberté ». S. B.