Propos sur la raison

«Raisonner est l’emploi de toute ma maison/Et le raisonnement en bannit la raison» (Molière)

LOGE LA CONSTANCE, AUBONNE (Revue maçonnique suisse: août/septembre 2003)

Du latin, ratio, qui signifie calcul, compte, la raison est aussi d’après le dictionnaire Larousse, «la faculté qui permet à l’homme de distinguer le vrai du faux, le bien du mal et de déterminer sa conduite d’après cette connaissance».

Ou encore, d’après l’encyclopédie Quillet, c’est «la faculté directrice de la pensée et de la conduite humaine. Ainsi la raison est immanente aux actes volontaires comme aux préceptes et concepts, à la coordination de la conduite comme à la systématisation de la pensée, elle est aux tendances d’une part, aux données sensibles d’autre part comme est le levain dans une pâte.»

La raison est le mécanisme abstrait (virtuel) reposant sur des connaissances communément acceptées, conceptualisées, par lequel la pensée se forme de manière critique selon les dichotomies ou les dilemmes rencontrés. C’est à travers cette méthode discursive, dont les séquences pourraient être analysées ou soupesées une à une, que dans un contexte donné on aboutit à un entendement qui se veut proche, en bonne conscience, d’une vérité acceptable et vérifiée de la réalité.

Nous pouvons opposer à cette définition de la raison discursive, la raison intuitive qui naît de l’acceptation subjective et repose sur une forme de conviction, voire de pressentiment de ce qui n’existe pas encore. La raison intuitive peut également être une conséquence de la vérité révélée qui s’ouvre sur la foi, celle-ci pouvant annihiler la faculté de raisonner. La critique étant exempte dans cette forme de raison, des lacunes importantes, par négation ou simplement par occultisme, peuvent s’immiscer dans la procédure de recherche intellectuelle dont le résultat ne serait qu’illusoire.

Dans une approche semblable Diderot disait: «Si la raison est un don du Ciel et que l’on en puisse dire autant de la foi, le Ciel nous a fait deux présents incompatibles et contradictoires.»C’est à travers l’histoire, et notamment celle de la philosophie, que l’on peut analyser les mécanismes de la raison et que se sont dessinés les concepts mêmes de la pensée humaine. Le discours de la raison, car c’est de cela qu’il s’agit effectivement, est né en Grèce, il est dû essentiellement à un trio dont l’un était l’élève de l’autre: Socrate, Platon et Aristote. Ce sont les pères de la philosophie (philo, j’aime; sophia, sagesse… amour de la sagesse). Jusqu’à Kant en passant par Galilée, Képler et Descartes, ce sont les pensées platoniciennes et aristotéliciennes qui faisaient références.

Socrate est en fait le père de la dialectique et le maître de la maïeutique (art d’accoucher les esprits). Tel qu’il apparaît dans les dialogues de Platon, il est un personnage libertaire, sans valeurs préconçues, il cherche en toute chose la raison, le juste milieu, et le plus souvent la vraie question, simple, basique voire empirique. Un des dialogues classiques, le Lachès, reflète la façon sophiste de Socrate de résoudre les questions embarassantes et/ou mal posées. C’est par le schème des idées que l’argumentation se déploie et que la démonstration, à travers la rhétorique, est transmise et reçue, sans toutefois apporter une réponse unique; ainsi le doute émerge, en même temps, de la pensée. On constate ici que le terme ratio prend tout son sens moderne: probabilité, chance, vraisemblance, et que cet aspect d’aboutissement du raisonnement amène vers le jugement qui, s’il ne fait pas lumière absolue, sera toujours entaché d’incertitudes et correspondra plus à une acceptabilité de majorité qu’à une vérité.

Quittant le monde sensible à l’esprit, une espèce de monde parallèle, théorique et conceptuel inspiré de Platon, dans l’ombre de Socrate, Aristote préconise un rattachement de la parole pure au monde concret, populaire, empirique. Aristote ouvre la philosophie à la prise de décisions. Fini le discours sans conclusion, plus de double langage, plus de confusion possible. L’esprit perturbateur de Socrate qui lui valut son jugement et sa condamnation par la cité mettait en péril le pouvoir politique car tout devait être remis en question. On se doit de convaincre et d’avoir des objectifs précis qui, selon l’épreuve de la recevabilité par une majorité – en vertu du

principe de la démocratie – pouvaient être concrétisés, donnant lieu à la raison d’Etat et au concept «agissant». Au-delà de la persuasion, Aristote cherche à convaincre. La conviction instaure chez l’individu des certitudes durables. C’est ainsi que le Lycée (école d’Aristote) va l’emporter sur l’Académie (école de Platon) pendant pratiquement quinze siècles. L’élève a pris le pas sur le maître, ce qui sied bien au contexte de l’enseignement platonicien.

Les penseurs latins des 1er et 2e siècles, tels Cicéron et Marc-Aurèle, ont laissé aussi des traces, moins marquées, dans la conceptualisation de la raison. Marc-Aurèle, notamment dans son classique des Pensées, démontre bien la fonction «raison» dans l’apprentissage: «Voici deux règles de conduite que tu dois toujours avoir sous les yeux: la première, de ne faire absolument que ce que la raison te commande dans l’intérêt de tes semblables, la raison, dis-je, qui doit régner souverainement et te dicter ses lois; la seconde, de changer d’avis s’il se rencontre quelqu’un qui t’éclaire et te fasse renoncer à ta première pensée». Il montre alors que la raison est aussi un partage et qu’on ne peut vraiment évoluer qu’en prenant le soin de communiquer et de comparer les arguments, et qu’ensuite en connaissance de causes, grâce au discernement, des résolutions peuvent être prises. L’individu ne peut se borner à sa seule pensée et à sa seule méthode de raisonnement.

Des outils supplémentaires

C’est la révolution galiléenne concernant la description de l’univers qui va remettre en question la vision rigide d’Aristote. Galilée aura puisé dans l’expérimentation, conformément à Aristote, mais il aura également cherché à concilier l’observation expérimentale avec la théorie, selon lui «la nature parle le langage des figures et des nombres». C’est ainsi qu’en reprenant l’observation d’Archimède et les théories de Platon et de Pythagore, Galilée va profiler les fondements de la science occidentale. Descartes avec son livre Règles pour la direction de l’esprit puis le Discours de la méthode, faisait un travail de recentralisation autour de l’homme et de sa pensée («Je pense»). Mais ce sont les Méditations métaphysiques, sommet de la pensée pure de Descartes qui font dire à Hegel que celui-ci est le fondateur de la modernité philosophique.

Pourtant Descartes, comme Galilée, dans ce contexte de pensée pure et de matière pure, maintient le rôle de Dieu dont l’existence devient une donnée de la lumière naturelle et non surnaturelle (la raison démontre l’existence de Dieu), à l’opposé de l’axiome caractéristique de la théologie. C’est ce qui fera bondir Pascal: «Voilà ce Dieu des philosophes, c’est un Dieu qui a perdu toutes ses qualités, ce n’est plus le Dieu de la religion, ce n’est plus le Dieu de Moïse, d’Abraham et de Jacob».

Dans la dernière partie du Discours de la méthode Descartes fait appel à tous ceux qui veulent améliorer la vie de l’homme en ce monde: «…Connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature».

Ce programme collectif dont l’échéance est sans doute bien lointaine, et peut-être indésirable, semble être à l’origine du courant matérialiste, qu’il soit à la base de la société d’économie de production marchande. Alors la métaphysique de l’Etre comme «présence» pourrait être expliquée par un certain rapport utilitaire au monde, commandé par une économie. En ceci on soupçonne davantage que l’Etre n’est que de l’«étant», perçu depuis le concept de l’avoir et du faire. Descartes était un touche à tout de génie, avec son lot d’approximations, d’erreurs et d’essais, qui a également tracé le chemin franc-maçonnique en faisant de l’homme le centre de la raison et de l’action.

C’est grâce à cette remise en question que les avancements de la mécanique rationnelle, auxquels vont contribuer Copernic (dont l’œuvre Des révolutions des orbes célestes sera publiée avant celle de Galilée), Képler, Newton, ont ouvert la porte au déchiffrement de l’invisible et lancé la nouvelle physique, la théorie de la relativité, la physique quantique, celle de l’incertitude et de la probabilité. Cette démarche de la raison scientifique a été reprise cent cinquante ans plus tard par Einstein, Heisenberg et d’autres physiciens, mathématiciens et biologistes, pour mettre sur pied les théories d’aujourd’hui. Ceci pour dire que le cheminement des idées et des concepts doit à chaque fois être compris et être consolidé avant de passer aux étapes suivantes. La raison a ainsi reçu des outils supplémentaires

aidant à la démonstration scientifique, mais également politique. Dans ce dernier contexte Machiavel avait entrepris de montrer le rôle de la raison dans l’activité de gouverner. La raison d’Etat prenait toute sa place dans l’action calculée. Si Clovis s’était converti au christianisme, Henri IV au catholicisme, c’était bien pour des raisons d’Etat. Il fallait gagner la confiance et le consentement de la majorité, d’où le rôle de la raison dans la démocratie. La justification de l’acte est supportée par une raison qui a sa valeur hic et nunc.

A la même époque que Descartes, Arnauld et Nicole de l’Ecole de Port-Royal, à laquelle appartenait Pascal, éditaient La Logique ou l’Art de penser (1662). Cette logique analyse les quatre opérations principales de l’esprit: la formation des concepts, le jugement, le raisonnement et la validité des syllogismes. Celle-ci s’ajoute à leurs travaux sur la Grammaire générale et raisonnée qui complète la réflexion aristotélicienne sur le langage et le sens du discours, ce que nous appellerions maintenant le structuralisme linguistique. On perçoit l’origine même du langage de raison, le sens de la communication. L’élaboration du discours, respectueuse de la syntaxe, doit refléter la pensée rationnelle et reposer sur des règles admises et comprises.

Au-delà des phénomènes

Jean de La Fontaine nous a laissé plusieurs textes de grande composition, tirant quelquefois leur origine d’Esope. Notamment dans le contexte de la raison, la fameuse fable du Loup et de l’agneau, le fameux vers «la raison du plus fort est toujours la meilleure», trop plagié (voire activé) par les grands de ce monde. Rendu coupable injustement de troubler l’eau dans laquelle souhaite se désaltérer le loup, le coupable agneau – objet de vengeance – devient la proie annoncée du loup. N’utilisons pas de mauvaises raisons pour satisfaire nos envies. Victor Hugo reprendra plus tard, à contre-pied, cette maxime par «Où force domine, raison n’a point de lieu»; il dira aussi : «La dernière raison des rois: le boulet. La dernière raison des peuples: le pavé», se préparant sans doute à l’écriture des Misérables.

Autre philosophe marquant dans le registre de la raison: Leibniz. Une des thèses centrales de sa doctrine est que rien n’est fondé sans raison, sans ordre, sans nécessité absolue (soumise au principe de non-contradiction) ou sans nécessité hypothétique. Malgré ces prémisses empruntés à la dualité cause-effet (origine de la doctrine de la force active) et sans doute par manque d’émancipation (liberté) intellectuelle, pour lui tout est conforme à la règle du meilleur que Dieu a mis en place, «Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles» disait-il. Voltaire le fera dire à Pangloss, le précepteur de Candide, afin de railler cette philosophie positiviste et naïve. Il faut cependant rendre hommage à

Leibniz pour avoir discerné le principe de continuité et le principe des indiscernables, selon lequel il n’y a jamais deux êtres identiques dans la nature. Il existe toujours une différence, fûtelle infinitésimale. Dans la vision leibnizienne, en mettant en valeur la variété infinie de l’être et du connaître, tout s’organise de façon à donner une raison et un sens à cette diversité, c’est l’origine «monadique»(substance nécessaire et parfaite) de tout, l’unité étant Dieu. Commencement premier et terme de la série, seul Dieu a la notion complète de tout ce qui fut, est et sera. Dieu seul est l’unité primitive ou la substance simple originaire dont toutes les monades – réalités – sont des productions.

Il nous semble alors que le dualisme questionréponse ne trouve pas de concept invariable, le recours à Dieu est alors irrémédiable et seul satisfaisant. La raison – ou tout au moins le raisonnement – n’aboutit pas seule à donner la réponse définitive et parfaite. Cette quête de vérité absolue, qu’on croit nécessaire, n’est pas le seul jeu de la raison. Son entendement nécessite la vaste palette de connaissance que seul l’Etre suprême, comme le surnommait Robespierre, peut en disposer.

En se démarquant de Leibniz et de Wolf, Kant entreprit d’approfondir la connaissance de l’homme en analysant les possibilités de l’esprit, afin de savoir de quoi celui-ci est capable. Dans la Critique de la raison pure (1781) il se propose de délimiter l’usage de la raison et comment elle aboutit à un savoir. En plaçant les choses autour de l’esprit, le sujet pensant n’est plus empirique mais universel, Kant dira transcendantal. «Si la raison est sortie de l’expérience, elle lui est devenue transcendantale». Le «je pense» devient formel, les concepts construits par l’esprit deviennent des modes d’unification. Les concepts généraux et complexes vont prendre une place catégorielle, ainsi à travers la perception de nos sens et le synthétisme cognitif (de l’esprit) a priori (ou encore intuitivement) l’ensemble conceptuel prendra forme. Ainsi l’intuition entre dans le schéma fonctionnel de la raison. Au-delà des phénomènes, il y a donc les choses en soi, les noumènes, que nous intégrons dans notre pensée, sans les connaître objectivement. Cette réalité nouménale que nous ne pouvons connaître par la raison théorique, nous pouvons l’atteindre par la raison pratique (Critique de la raison pratique, 1788). Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant introduit la morale, matière qui comme la science doit être fondée sur des bases sociétales intelligibles. Dans ce contexte, on découvre que l’autorité du devoir n’est autre que celle de la raison pratique et que celle-ci n’est pas subordonnée à un commandement extérieur mais qu’elle résulte d’une autonomie morale individuelle.

La nature profonde de la raison, qui prescrit les lois, est législatrice a priori. L’intérêt pratique est-il l’intérêt de la raison? Les noumènes, qui donnent tous leurs sens à des postulats tels que: l’existence de Dieu, la liberté humaine, l’immortalité de l’âme, hissent l’homme dans la dualité de la sensibilité et de l’intelligence. De fait le sensible est intellectualisé et l’intelligence sensibilisée. Si dans son dernier ouvrage La religion dans les limites de la simple raison (1793) Kant laisse entendre que la religion est essentiellement morale et qu’elle porte «sur l’objet entier de la volonté», cet objet, synthèse de la vertu et du bonheur, se mérite par un moyen: faire son devoir. Kant se préoccupe plus en cela de l’effort de l’homme que de l’aide divine. La philosophie de Kant est celle de la finitude humaine, elle exalte la raison. C’est un jeu intellectuel dont l’objectif est la destination totale de l’homme. «Je suis venu limiter le savoir pour faire place à la croyance», qui pour lui est encore rationnelle!

A la manière sophiste on pourrait dire qu’effectivement la croyance est rationnelle car elle est issue de l’homme et que celui-ci est raisonnable. Syllogisme basique dont se nourrissaient les philosophes antiques. Du style «l’homme est mortel, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel». La logique de raisonnement qui contient les trois propositions (la majeure, la mineure et la conclusion), établissait alors le discours et la convergence vers une conclusion minimale irréfutable par l’ensemble. C’est pratiquement sur cette base mathématique que s’énonçaient alors les théorèmes de physique ou mathématiques, à la limite de l’axiomatique, base de la théorie déductive, voire une vérité qui s’impose avec évidence et est admise sans démonstration .

E. Kant, qui sera suivi par M. Heidegger, dans l’expression du modèle métaphysique, a largement contribué à travers des démonstrations ardues à faire accepter l’intuition au même niveau que la déduction. C’est par cette reconnaissance des noumènes que le mystère demeure, et surtout que le doute subsiste, que la recherche se poursuit. L’irrationnel est substance du rationnel. La confrontation à l’inacceptable est source de progrès. On est amené à la raison, au raisonnable, par la constatation de l’irrecevabilité morale. Raison n’est comparaison, mais ce sont par des «touches» de comparaison que nous faisons avancer le progrès social et l’égalité entre les hommes.

La perception de l’objectif

Il y a eu le culte de la Raison préconisé par Chaumette pendant la Révolution française et repris par Robespierre pour devenir le culte de l’Etre suprême. La Convention a essayé de la mettre en pratique comme une religion rationaliste et transforma les églises, Notre-Damede- Paris en particulier, en temples de la raison. Sur les autels il y avait la déesse Raison. Dans ce contexte on brûla lors d’une fête, le 10 novembre 1793, une statue préfigurant l’athéisme. Le rationalisme ne se sépare pas de la partie nouménale aussi facilement, même dans une phase de violence extrême où la tentation de l’irrationnel est vive. C’est par manque de consolidation analytique que la raison acceptée devient le refuge intemporel. La peur du changement irréversible, dont les conséquences ne sont ni perceptibles ni garanties, agit sur l’action pour la ramener au raisonnable et au consensus de la «vérité populaire». Cette démarche du bon sens peut freiner la création et le législatif progressiste, mais elle conserve l’acquis et homogénéise, avec le temps, l’accès à la connaissance. C’est ce que nous appellerions la sagesse populaire.

Ce qui nous fait dire aujourd’hui que la raison c’est être. Mais ce n’est pas vérité. La réflexion qui nous a amené à prendre la «raison» comme thème d’étude repose sur l’engagement, la perception de l’objectif, la recherche d’un idéal, une démonstration documentée de notre démarche, une aide à l’acceptation de notre choix. Finalement une justification de celui-ci, même s’il y entre une dose d’intuition. L’œuvre de la raison consiste à conquérir une connaissance de plus en plus complète de toute chose et singulièrement de soi-même, qui est une partie de l’univers. Spinoza disait: « Ne pas rire, ni se lamenter, ni haïr (le mal), mais comprendre», auquel nous pourrions ajouter agir, donc être, alors nous obtiendrions une définition acceptable de l’attitude rationnelle du franc-maçon. On constate que c’est à travers des approches diverses que nous arrivons à accéder, par ratio, à exprimer ce qu’est la raison. Platon dans les dialogues transcrivait les idées de Socrate, sa logique, sa démarche intellectuelle où les concepts s’emboîtent les uns dans les autres pour aboutir, après l’épreuve de la recevabilité, au concept d’universalité. C’est donc à la résultante des accords que nous trouvons, selon la force des arguments de chacun et son degré d’acceptabilité, une part de vérité temporelle qui fera office de future hypothèse de travail, voire de solution décisionnelle. Celle-ci, liée au moment, sera sans cesse mise à l’épreuve, car les temps changent et ce qui est vrai ou accepté aujourd’hui ne l’est pas forcément demain. Ainsi on défendra son point de vue, éclairé par la connaissance nouvellement admise, à l’aide d’arguments affûtés, afin de convaincre l’autre de notre bon sens étayé par une démonstration qui tient du scientifique.

On peut entrevoir le fonctionnement de la raison comme la suite de ricochets que fera une pierre à la surface de l’eau. Les rebonds successifs sont autant d’idées (énergie) apportées au discours (trajectoire) pour que le consensus (objectif) soit atteint. Plus le nombre de rebonds sera grand, plus l’acceptabilité de la formulation finale sera élevée, car elle sera le reflet des multiples facettes de la vérité, du nombre et de la diversité des individus.