Le carré long

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Comment un carré peut-il être long, sans transformer ce carré en rectangle ? Telle serait la réaction rationnelle d’un non-initié. Le carré long implique précisément le caractère ésotérique de la figure géométrique en question.

J. B. – Tiré du livre Symboles et initiation maçonnique, Editions du Rocher, 1999. (Revue maçonnique suisse: novembre 2008)

Le carré long suppose que le carré est en extension, c’est-à-dire en devenir. Le carré devient une géométrie initiatique, une cosmogonie illuminatrice. C’est pourquoi le carré long est tracé à l’ouverture des travaux et effacé à leur fermeture. Le carré long est l’espace symbolique matérialisé par le tableau de loge.

Le carré long rappelle aussi l’équerre, symbole du vénérable maître (le maître de la loge). Un autre carré long peut être construit sur la section dorée. Il s’agit du rectangle 1 X 1,618 obtenu à l’aide du cercle dont le rayon correspond à la droite reliant le milieu du côté du carré à l’angle opposé (voir figure ci-dessous). Ce carré long est dit «carré soleil», le nombre d’or étant la dimension solaire de tout tracé. Quant au carré lunaire, il correspond, lui, au carré double dont la diagonale permettra de diviser la base en «moyenne et extrême raison», autrement dit en deux segments correspondant au rapport doré 5/3. La valeur de la diagonale est √5, nombre irrationnel, base du nombre d’or dont la valeur est (√5 + 1) / 2.

Sans vouloir entrer dans des considérations mathématiques compliquées, il est intéressant de souligner ici que les deux carrés solaire et lunaire conduisent tous les deux au nombre d’or. La version lunaire nous séduit davantage parce qu’elle révèle le rapport 5/3 qui sont les deux nombres de l’apprenti et du compagnon. Nombres qui, d’une part, établissent la suite des trois grades : 3 (apprenti), 5 (compagnon), 7 (maître), et, d’autre part, l’origine de la suite de Fibonacci 3, 5, 8, 13…

Le carré lunaire est un carré de gestation de passage. C’est un carrématrice.

Mais on peut aussi considérer que les deux carrés, le lunaire et le solaire, contenant tous les deux le nombre d’or, sont identiques dans leur symbolique. Ils intègrent par conséquent, la totalité des devenirs et des possibles.

Le carré double 2 X 1 a l’avantage aussi de transcender la dualité. Le deux y devient huit, et huit est le nombre d’accès à la divinité, à l’équilibre pur de la Justice (la Justice du Tarot est le huitième arcane).

Le carré long est le symbole du tracé du temple dans la loge. La loge que beaucoup de Maçons appellent erronément temple. Le Maçon travaille sur le parvis du temple et non dans le temple. Cela étant dit, nous renvoyons le lecteur à l’article que J. Tomaso consacre au temple dans le Dictionnaire thématique illustré de la franc-maçonnerie (Editions du Rocher, 1993).

Rappelons que le tracé symbolique du temple délimite dans la loge l’espace sacré par excellence. Il en est le centre d’illumination. Il contient donc les deux luminaires symboliques, soleil et lune, réunis dans une même fusion opérative. Fusion que l’on peut, suivant la tradition, évoquer par les deux serpents, tressés et se dévorant l’un l’autre, du caducée de l’insigne d’une loge bruxelloise ainsi que par les serpents de la croix irlandaise de Muiredach dans laquelle les serpents sont surmontés de la main de Justice et du Soleil…

Soulignons aussi que les proportions du porche (Oulam) et du sanctuaire (Hekhal) du temple de Salomon sont celles du carré long, 20 coudées X 10 pour le Oulam et 20 coudées X 40 pour le Hekhal, et que la proportion dorée est partout présente dans l’architecture sacrée du monde.

Le carré long est donc d’abord une symbolique du centre et, à ce titre, peut être représenté sous forme du cercle inscrit dans le carré, figurant ainsi de la façon la plus simple le temple dont le centre est le saint des saints, le cercle de la manifestation spiritualisée, conscientisée. Et cette représentation nous fait penser aussi au cercle et aux deux parallèles utilisés dans différents rituels pour symboliser la course du soleil et les deux portes de l’année : le solstice d’été et le solstice d’hiver.