Hypothèses et stéréotypes

Qu’est-ce qu’un préjugé ? Et quand devient-il discriminatoire ? Commençons tout d’abord par clarifier quelques définitions. Les stéréotypes sont «comme des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d’un groupe de personnes» (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996).

Tolérance et Fraternité, Genève (Revue maçonnique suisse: décembre 2009)

Une généralité est un principe, une affirmation ou une idée ayant une application générale, non spécifique. Quand une généralité se rapporte à un individu, elle sert d’hypothèse qui devra être confirmée par l’observation. Dans un processus de généralisation toutes les informations sont prises en compte et les hypothèses sont constamment testées et affinées. Par contre, dans les stéréotypes on rejette les informations contradictoires et l’on amplifie les informations confirmant nos hypothèses. Le processus de généralisation est basé sur une attitude ouverte, la curiosité et l’envie d’apprendre. Le stéréotype découle en revanche d’une attitude de jugement, d’une perception sélective et d’un refus d’apprendre.

Le stéréotype est à la base du préjugé

Ici déjà, le lien avec notre initiation est évident. L’initié est par essence quelqu’un de curieux, ayant une attitude ouverte et une envie de se perfectionner. Ces traits de caractère l’ont amené à frapper à notre porte. L’apprenti devra par la suite apprendre, tout au long de sa carrière maçonnique, après avoir compris d’emblée qu’il peut être induit en erreur par ses cinq sens et ses premières impressions. Il devra questionner en permanence ses idées préconçues et progressivement passer du binaire au ternaire. Revenons à nos définitions. Le stéréotype est à la base du préjugé. Celui-ci traduit une attitude comportant une dimension évaluative à l’égard d’un groupe social donné. Un préjugé devient discriminatoire lorsqu’il amène un comportement négatif, non justifiable, émis à l’encontre du groupe en question. Mais d’où proviennent ces préjugés susceptibles d’induire de tels comportements discriminatoires ? Car c’est en comprenant leur origine que nous pourront mieux les combattre. En plus de l’aspect cognitif évoqué ci-dessus par le processus généralisateur de notre cerveau, les préjugés nous viennent aussi de notre héritage culturel. Tout au long de notre vie nous avons appris à respecter certaines normes et valeurs qui caractérisent le groupe auquel nous appartenons, cela afin d’être intégré au mieux. Ne pas adhérer à ces valeurs implique un risque de rejet de l’individu par le groupe. Parmi elles il en est cependant de potentiellement erronées.

Dans notre environnement socioculturel, nos parents et la proche famille, ensuite l’environnement scolaire puis professionnel ainsi que l’omniprésence des médias exercent des influences prépondérantes. Relevons toutefois que les groupes auxquels nous appartenons peuvent aussi avoir un impact plus ou moins grand sur nos préjugés. De nombreuses études démontrent la puissance sur l’individu de normes émanant d’un groupe. Voici donc un premier élément où la franc-maçonnerie peut jouer un rôle crucial. En effet, de par son appartenance à notre groupe hétéroclite, l’initié peut remettre en question ses stéréotypes et préjugés développés pendant de nombreuses années à ne fréquenter que des personnes du même milieu socioculturel. Soulignons ici l’importance d’avoir dans un atelier des membres d’horizons différents. Evitons de former des ensembles selon l’appartenance professionnelle ou sociale. Ce n’est qu’en nous mélangeant et en confrontant nos différents préjugés et stéréotypes que nous pourrons nous remettre en question perpétuellement dans notre recherche de la vérité.

Trouver une base commune

Les préjugés font partie de l’individu dans sa construction initiale. Ils lui permettent d’être vigilant suite à des expériences passées qui forcent à se méfier de certains événements de l’existence. Dans certaines situations l’être humain doit sa survie à ses préjugés. Ces derniers ne sauraient être graves en eux-mêmes s’ils ne sont pas définitifs mais se transforment, autorisent une ouverture d’esprit, et au su de toutes les informations disponibles nous mettent en examen afin que les événements puissent démontrer le contraire de ce que nous pensions.

De par sa capacité de discernement le franc-maçon devrait assurément prendre en compte tous les paramètres permettant une vision juste et équitable des choses. Voilà pourquoi il ne faut pas combattre les préjugés, plutôt les accepter, en être conscient, et les transmuter en autant de visions éclairées. Le préjugé peut ainsi être une étape chronologique établissant un point de départ (objectif ou subjectif) de sa réflexion, qui repose tantôt sur son ressenti, tantôt sur sa pensée. Il importe cependant d’être prêt à modifier ses jugements pour s’autoriser un nouvel éclairage. La maçonnerie nous offre tous les outils nécessaires pour nous permettre de réfléchir ensemble aux préjugés que nous avons sur tel ou tel sujet. Notre bien commun sont nos symboles, ils doivent nous aider à trouver une base commune à partir de laquelle dépasser nos préjugés et différences, en fait réunir ce qui est épars. Souvent, les préjugés sont engendrés par la peur de l’inconnu. À cet égard, notre fraternité vise précisément à l’amélioration de nos connaissances. En découvrant mieux nos frères aux origines diverses, nous pourrons diminuer nos craintes éventuelles et revoir nos préjugés en fonction de faits et non plus d’appréhensions. Nous croyons qu’une loge bien constituée, avec suffisamment de diversité, opérant correctement, constitue le creuset idéal pour continuellement nous interroger sur nos préjugés.