Et si la franc-maçonnerie n’existait pas ?

Comme toute initiative idéologique ou pratique sortant de l’ordinaire (selon bien sûr les critères de chaque époque), la franc-maçonnerie éveille depuis longtemps maintes interrogations quant au besoin réel de son existence. Beaucoup de vrais et fidèles maçons ont encore de la peine à définir notre ordre dans toutes ses acceptions. D’où la difficulté de répondre à la question qui fait l’objet du thème ici abordé : «Et si la Franc-maçonnerie n’existait pas ?».

Loge Union et Travail, Genève

La question n’est pas facile à traiter en dehors d’un cadre chronologique. Il y a deux cent cinquante ans, par exemple, l’effet de son absence n’aurait pas été égal à celui d’aujourd’hui. Certains Frères de notre loge ont même douté de l’utilité d’une telle interrogation… La manière de comprendre l’art maçonnique dépend-elle de notre nature, propre à chacun de nous ? Si, en partie, la réponse est positive, elle ne saurait nous empêcher de constater ses effets sur la société qui nous entoure. Selon plusieurs d’entre nous, sans la franc-maçonnerie, le monde ne serait pas pareil.

Les exemples historiques où manifestement les maçons ont fait admettre les droits de l’homme sont nombreux, sans même tenir compte du rôle de Frères qui, dans les coulisses de l’histoire, ont agi : ainsi en va-t-il, en Suisse et dès le 19e siècle, de l’assurance obligatoire, de la politique des salaires, de la situation des ouvriers (par une certaine protection), de l’aide à l’assistance publique et sociale par des idées et des gestes maçonniques. En Europe, il y aura les révolutions française et grecque. En Amérique, la francmaçonnerie a inspiré le code moral sur lequel se base la Constitution des Etats- Unis. Il y aurait encore bien d’autres événements à citer où la franc-maçonnerie a joué un rôle déterminant au cours de l’histoire humaine.

Un triple champ d’action

On pourrait aussi parler de culture et d’art… Certes, sans la franc-maçonnerie Mozart aurait sans doute quand même été Mozart, mais il n’aurait certainement pas composé La Flûte enchantée… Le peintre Marc Chagall n’a-til nullement été influencé par notre symbolisme?

L’oeuvre du romancier et poète Rudyard Kipling (Prix Nobel de littérature en 1907) ne transpire- t-elle pas un certain esprit maçonnique ? De tels exemples répondront-ils à ceux affirmant que si la franc-maçonnerie n’avait pas existé il y aurait certainement eu d’autres écoles de pensée à sa place ?
Le progrès vers plus de justice, de tolérance et d’harmonie était-il inscrit dans l’ordre des choses ? L’art royal qui doit inspirer tout maçon a ceci de particulier qu’il est propre à l’homme, aussi bien sur le plan individuel que sur le plan sociétal. Il s’adapte aux besoins de chaque époque et de chaque société et peut ainsi éclairer, directement ou non, un monde profane grâce à ses principes et à sa morale, représentés par nos symboles géométriques.

Enfin, la franc-maçonnerie qui a comme principale aspiration d’enlever tout dogmatisme de ses enseignements a certainement contribué à libérer l’homme de structures trop rigides, politiques ou religieuses, qui limitaient sa recherche de lavérité. Par ces étincelles de lumière, de la maçonnerie spéculative sont nées des actions opératives, car notre fraternité exerce son influence sur l’adhérent, le profane et la société. Ce triple champ d’action décrit le mécanisme d’osmose avec lequel les idées et les comportements nobles prennent forme à partir de l’individu initié pour se propager comme des ondes dans toute la communauté humaine. franc-maçonnerie jouera le rôle

Tant que l’homme sera perfectible, la de source d’idées anthropocentriques orientant notre regard dans la bonne direction. En ce sens, la franc-maçonnerie constitue plus qu’un simple besoin. Elle est la nature même de chaque maillon que nous devons être, prêt à travailler de tout coeur avec ses Frères pour tenter d’améliorer le monde en nous perfectionnant, taillant et polissant notre propre pierre, élevant notre regard et nos aspirations. Un peu à l’image de l’άνθρωðος «homme», en grec, qui vient du άνωθρώσκωsignifiant «je regarde vers le haut».