L’instruction : une composante du processus initiatique
Certains Apprentis et Compagnons considèrent l’instruction maçonnique comme une « corvée », un devoir d’école. Pourtant, et alors que sa fréquence mériterait même d’être renforcée, elle joue un rôle essentiel dans leur processus initiatique, lequel ouvrira théoriquement aux Compagnons les portes de la Maîtrise selon leur avancée. L’instruction constitue bel et bien un cadeau qu’offrent aux jeunes Maçons les Frères Maîtres en charge de la transmission ésotérique. Puissent-ils en saisir la portée !
Au grade d’Apprenti, l’instruction désigne l’approche, puis l’assimilation de certaines connaissances maçonniques, à ne pas confondre avec le savoir intellectuel ou culturel, puisque leur vocation sert à la recherche de la Vérité, sans limite aucune. Au grade de Compagnon, elle correspond à leur approfondissement, puis à leur dissolution dans la pratique. Ces connaissances s’exercent dans la profondeur de la verticalité pour l’Apprenti et dans la vastitude de l’horizontalité pour le Compagnon. Elles forment dans leur globalité une réalité vivante, celle de la construction du « Temple intérieur » que chaque Apprenti et Compagnon élabore patiemment, pierre après pierre, grâce aux rituels, bien sûr, aux outils que l’instruction leur met à disposition, de même qu’aux symboles, dont la puissance concourt à leur compréhension psychique. Ainsi en est-il des trois pas de l’Apprenti qui rappellent le passé, mettent le présent en situation et annoncent l’avenir initiatique, ou encore des trois voyages qui lui font appréhender l’essence du «Temple idéal».
Pour les deux grades ou degrés selon le rite pratiqué, l’instruction constitue un devoir de travail introspectif ( spéculatif ), puis pratique ( opératif ), qui accompagne le processus initiatique toujours en mouvement, en ébullition même pour qu’il se concrétise. Ce devoir dédoublé vise à conduire l’Apprenti et le Compagnon vers l’analyse, puis l’accomplissement de leur soi. Cette composante du processus initiatique fera accéder ce dernier à la Maîtrise ( en théorie, tout au moins… ). Ce même devoir confirme encore l’engagement prononcé lors de leur serment. Avec humilité et détermination, l’Apprenti et le Compagnon se sont effectivement engagés, en conscience, à travailler sur eux-mêmes et à étudier les enseignements maçonniques proposés à l’occasion, justement, des instructions qui sont autant de vecteurs de progression initiatique. Le jeune Maçon qui ne respecte pas sa parole donnée dans ce domaine précis ne fait l’objet d’aucune sanction, d’aucun jugement, puisqu’il s’agit d’un contrat moral, librement consenti par ailleurs. Cependant, il se punit luimême en désertant les instructions, car il freine la réalisation initiatique de son cheminement.
L’effet «magique» de la substance de l’instruction maçonnique dépend intrinsèquement des connaissances assimilées, donc comprises, senties et vécues par les Maîtres Maçons qui la dispensent aux Apprentis et aux Compagnons. C’est là tout le secret de l’alchimie spirituelle censée donner corps à l’élévation réelle de ces Frères qui savent « lire entre les lignes ». A ce sujet, les Vénérables des Loges seraient peut-être bien inspirés de se montrer plus sélectifs dans la désignation de leurs deux « instructeurs », sans suivre nécessairement la voie usuelle des 1er et 2e Surveillants…
A propos des Maîtres, bon nombre d’entre eux ayant la prétention de déjà «tout savoir» estiment superfétatoire l’instruction qui leur est dédiée. Or, si l’instruction solidifie, voire optimise les contours de leur initiation cette fois-ci devenue idéalement transcendante, elle leur sert aussi à assurer leur mission primordiale : la transmission des connaissances maçonniques, en un mot de la « Sagesse », ou encore de l’« Eveil ». D. P.