Etre Franc-maçon au XXIe siècle : pour quoi faire ?
La Franc-maçonnerie que nous connaissons est née en 1717. Malgré quelques vicissitudes, cette institution, dont les racines plongent, avec celles des religions, dans les temps les plus anciens, est toujours vivante. Compte tenu d’une certaine désaffection, la pertinence de son existence reste peu évidente aux yeux du profane susceptible de se poser au moins trois questions.
Par le Frère Apprenti B. H., Loge Ataraxie à l’Orient de Sion
Depuis le début du XIXe siècle, tout s’accélère, tout change avec une telle intensité que notre Ordre aux rituels si codifiés et immuables ( malgré leurs multiples variantes ) peut sembler littéralement « à côté de la plaque ».
La Franc-maçonnerie est centrée sur cet objet apparemment immuable du monde qu’est l’Homme. Nos rituels existent pour nous libérer et nous recentrer. L’Homme nu, affranchi de ses métaux et sollicitant l’Initiation, frappe à la porte du Temple sans aucun attribut sociétal, symboliquement sans scories, car en Loge, nous sommes tous à l’état natif. Notre monde offre à chacun les moyens d’exposer aux autres tout ou partie de sa vie et de ses opinions. L’individu semble y prendre de plus en plus d’importance, sa parole pouvant porter loin. Miroir aux alouettes cependant, car ce qui nous est offert n’est qu’un moyen de flatter notre ego et parfois de nous sentir de plus en plus seuls, malgré nos « amis numériques ».
Par opposition, notre Ordre ne promeut pas l’individu pour lui-même, mais pour ce qu’il apporte de fondamental ( au sens de fondations ) aux autres. En effet, le Franc-maçon ne peut exister sans ses Frères, car son existence ne se résume pas à sa seule personne. Notre fraternité est exactement à l’opposé de la valorisation narcissique qu’offre le monde profane et surtout numérique. Notre institution promeut l’être en tant que partie du Tout ; chaque membre existe en tant qu’individualité et fait partie de la chaîne d’union rassemblant les Frères à travers le monde et les âges, le replaçant ainsi dans l’histoire de l’humanité, à savoir une humble pierre dans un édifice en perpétuelle construction. Dans une société dont les limites sont de plus en plus celles de l’individu, en s’ouvrant au monde, la Franc-maçonnerie constitue pour lui le moyen par excellence de se sentir intégré à l’univers en tant qu’homme libre et de bonnes moeurs, du moins pour tous ceux qui font une démarche sincère en la rejoignant.
Pourquoi devenir Franc-maçon ?
C’est LA question, celle à laquelle il est le plus difficile de répondre quand on est candidat. Ce peut être par atavisme : si, par son exemple, un parent ou un aïeul a pu inspirer l’engagement d’une partie de sa descendance, il a ainsi réussi à transmettre au monde profane l’essence de son vécu au sein de sa Loge : s’élever en tant que Frère pour rendre le monde meilleur. Simplement ressentir que « c’est bien » à travers l’exemple d’un parent me semble donc constituer une raison valable de s’engager à son tour. Ce peut être également par inspiration, c’est mon cas. Tout profane a entendu parler de la Franc-maçonnerie, le plus souvent de manière équivoque. Mais pour celui qui sait analyser avec objectivité les faits évoqués dans les livres d’histoire, il apparaît rapidement que la Franc-maçonnerie est le défenseur de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits de l’Homme, l’ennemi de la tyrannie et de toute forme de dogmes ; bref ! l’ami de l’Homme. Au-delà de cette motivation politique, il y a l’image de l’équerre et du compas, si souvent reprise en une des magazines, qui est profondément inspirante. Même sans connaître la signification symbolique de l’association des deux instruments, celle-ci crée un sentiment de pérennité et d’harmonie. Pour tout individu se posant des questions sur le sens du monde, cela peut devenir le moteur d’un engagement.
Un cercle de relations ?
Après tout pourquoi pas ? Encore faut-il savoir de quelles relations nous parlons : des relations de respect et d’échanges. Quelle satisfaction que de partager nos opinions les plus intimes avec d’autres Frères avides de les recevoir. Passion de la dialectique, de la synthèse. Non pas celle du bla-bla, mais celle du Verbe, de la Parole, celle qui fait exister le monde et l’être, l’enrichissement par l’échange, dans l’humilité du travail. Tout à l’opposé de ce que nous vivons trop souvent dans notre vie professionnelle…
J’ai cité trois raisons d’entrer en Maçonnerie, mais chacun de mes Frères pourra en citer certainement d’autres. Je reste néanmoins persuadé qu’on leur trouvera toujours un point commun : entrer en Maçonnerie, c’est avoir la conviction intime qu’au-delà de ce que les sens peuvent percevoir, il existe autre chose qui dépasse l’individu.
Etre Franc-maçon, pour quoi faire ? Me changer moi ou changer le monde ?
Je deviens Maçon… et quoi ? En se faisant initier, on entre dans une démarche de perfectionnement de soi, mais résumer la Franc-maçonnerie à une forme de psychothérapie est par trop réducteur. Certes, au sens où le Franc-maçon ( se ) rectifie pour ( re )trouver la pierre cachée, cubique, symbole de l’équilibre de l’être humain, on peut dire qu’il suit une psychothérapie… Mais la Franc-maçonnerie va au-delà. Nous sommes des hommes libres, francs en vieux français. Nous sommes aussi des Maçons, c’est-à-dire des bâtisseurs. Mais pour bâtir quoi ? La pierre cubique obtenue par le travail est destinée à être insérée dans un édifice commun ; autrefois la cathédrale, aujourd’hui la société. Rien d’étonnant donc à ce que les systèmes totalitaires n’aient jamais apprécié notre Ordre, que ce soit sous ses formes opérative – le compagnonnage –, ou spéculative. Les Francs-maçons représentent le danger ultime pour eux, en tant qu’individus doués tout à la fois de raison, de sensibilité et de créativité. S’engager pour améliorer le monde, tout en s’améliorant soi-même, ce n’est pas que des mots, mais la raison même de l’existence de notre Ordre : changer.
Les valeurs portées par la Franc-maçonnerie ont renversé l’ordre ancien, créé le mouvement à partir de l’état initial. Nous vivons dans un monde dual, et en jetant un regard sur son état, on peut se dire que pour arriver à l’harmonie en refermant le cycle, il reste encore beaucoup de travail. C’est le sens de l’existence de notre chaîne d’union qui traverse les âges, passé, présent et futur.