Des animaux, nos guides
Selon les récits bibliques, Dieu créa la lumière, les éléments, les mondes minéral, végétal et animal avant de créer l’homme au sixième jour de la Genèse. Il conçut ce dernier à son image comme une synthèse. En raison de sa ressemblance à Dieu, l’homme devint aussi un créateur à partir du septième jour. C’est ainsi qu’il revécut les six jours de la création, puis gravit trois marches supplémentaires.
Par le F∴ Z. R. de la Loge René Guénon à l’Or∴ de Lausanne
Les animaux des champs et les oiseaux du ciel symbolisent toutes les puissances constitutives de l’homme. Ils sont les aides que Dieu lui laissa. Toutefois, l’homme était censé bien les connaître après les avoir nommés, afin de pouvoir s’en servir. Mais il dut d’abord prendre conscience de sa propre existence, puis la discerner et lui attribuer certaines propriétés qui furent résumées dans son nom. Finalement, il put se servir des animaux pour atteindre une maturité qui le rendit semblable à son Créateur.
Le péché
La première aide à l’homme fut sa femme et la deuxième, le serpent. Mais le serpent fut rusé plus qu’aucun des animaux terrestres créé par l’Éternel-Dieu. Il dit à la femme : « Estil vrai que Dieu a dit : vous ne mangerez rien de tous les arbres du jardin ? » Sans l’intervention du serpent, l’Arbre de Connaissance du Bien et du Mal serait inutilement resté planté au milieu du jardin. Le serpent représente cette force vitale (libido) qui suscite l’envie et le désir de l’homme pour la femme. Sur le plan psychologique, cela signifie que la libido, comme force de désir et d’aspiration – dans un sens plus large en tant qu’énergie psychique – est en partie à la disposition du Moi, mais que partiellement aussi, elle se comporte avec une certaine autonomie à son égard.
C’est la mystique Kundalini qui, une fois éveillée, monte le long de la colonne vertébrale et remplit tous les chakras de l’énergie vitale (libido). Toutefois, ce serpent n’est pas complètement contrôlé, car il mord l’homme en cherchant son attention. Le serpent a donc besoin d’être terrassé comme le dragon par Saint-Michel ; le symbole du dragon marque en fait la transfiguration du serpent en une force spirituelle qui devient la force motrice de tous les archétypes. C’est le serpent d’airain de la Genèse qui guérit des morsures des serpents venimeux, c’est-à-dire des forces inconscientes et autonomes de notre psyché qui nous poussent comme des aiguillons. Le caducée d’Hermès, représenté comme une baguette de laurier ou d’olivier surmontée d’un disque solaire ailé et entouré de deux serpents entrelacés, est doté du même pouvoir. C’est un ancien symbole déjà connu par les Égyptiens. Jung écrit à ce sujet que le symbole égyptien du «disque solaire vivant» , le disque avec les deux serpents uræus, renferme en lui la combinaison des deux analogies de la libido.
Celles-ci, soit deux polarités de l’énergie vitale, sont connues sous différents noms. Kundalini Yoga les relie au canaux énergétiques subtils nommés Ida et Pingala qui traversent tous les chakras, et assurent la circulation de l’énergie vitale. Pour les Franc-maçons, il s’agit des courants d’énergie qui circulent à travers les colonnes Jakin et Boaz. Les kabbalistes les nomment Ob et Od, comme les deux polarités de la lumière Or (son nom en hébreu). Cette lumière astrale d’une polarité double a aussi une dynamique que l’occultiste Stanislas de Guaita décrivit comme suit : « Elle subit en effet deux actions contraires : la puissance d’expansion féconde, la lumineuse Iônah effective des générations et dispensatrice de la vie, d’une part et, d’autre part, la puissance de constriction destructive des formes, le ténébreux Hereb, agent principal de la mort. Iônah et Hereb correspondent selon lui à deux oiseaux : la colombe et le corbeau (Hereb signifie aussi « le soir » en hébreu, souvent utilisé au 1er chapitre de la Genèse). Stanislas de Guaita souligna le rôle qu’ils ont plus particulièrement au huitième chapitre de la Genèse, qui traite du déluge.
Le déluge
Le déluge est l’image même du chaos du monde, de son anarchie. Nous sommes tous dans un état d’anarchie coupés de notre propre essence. Il existe toutefois une multitude de possibilités pour réaliser notre vie, mais notre libre arbitre demeure confus. Nous sommes submergés par diverses énergies qui peinent à attirer notre attention, sauf par leur (notre) voracité. Ces énergies dissipées nous distraient en cherchant à s’intégrer en nous pour mieux nous maîtriser. Néanmoins, elles ont un double aspect représenté par des couples (masculin/féminin) de divers animaux, y compris celui de l’être humain.
Or, l’équilibre fut perdu à l’époque de Noé. L’homme n’aperçut qu’un côté de ses propres potentialités. Le Hereb, des corbeaux voraces, le désir et l’envie, ainsi que des passions dominèrent. L’homme se noya dans les « eaux d’en bas » avec ses propres illusions. Alors, il fallut tout recommencer depuis le début. Noé fit entrer tous les animaux par couple dans son arche. Pendant 40 jours, il les assimila, il muta, puis fut transfiguré. Noé renvoya successivement le corbeau et la colombe ; cela signifie qu’il descendit dans ses eaux intérieures, puis monta vers la lumière. Alors, il ressembla « ce qui était épars » (les animaux). Dans l’arche, il muta jusqu’à l’accomplissement total de lui-même. Finalement, il sortit de son arche transfiguré.
Le sacrifice de l’ego
Isaac, s’adressant à Abraham son père, dit « Mon père ! », qui répondit : « Me voici mon fils. » Il reprit : « Voici le feu et le bois, mais où est l’agneau de l’holocauste ? » Israël immola des animaux du cosmos extérieur sur ses autels, incapable qu’il fut encore de devoir porter ses sacrifices dans sa jungle intérieure.
L’agneau immolé est le guide ultime de l’homme. Accepter sa croix, sacrifier son premier-né (ego) et maîtriser sa jungle intérieure, c’est le chemin christique qui conduit à la Nouvelle Jérusalem. L’agneau nous a montré le chemin, le choix nous appartient.