Considérations sur le salaire maçonnique
Quelles que soient les époques, les formes que revêt la franc-maçonnerie et la manière dont on accorde un salaire, sa valeur est partout et constamment identique. Il ne sera ni plus bas ni plus élevé ici ou là puisque son montant n’est pas quantifiable.
J. T. – Pensée et Action, Martigny
Il dépend de la seule vertu de celui qui le reçoit. Nous pouvons dans ce sens parler d’un gage de confiance que les membres de la loge présentent au récipiendaire ayant fait ses preuves au grade précédent. Par ce geste ils l’encouragent à persévérer sur la voie de la perfection qui est la sienne, ils lui témoignent leur satisfaction et lui ouvrent la porte suivante. Ainsi, depuis le temps qu’existent les trois paliers dans l’acquisition du Métier, on apprend aux plus jeunes venus la façon de se servir des outils afin qu’ils produisent les meilleurs résultats souhaitables. Grâce à eux, les débutants apprennent par dévoilements successifs le contenu réel de notre maçonnerie de Saint-Jean, par conséquent les moyens de réaliser concrètement cette fraternité idéale à laquelle nous aspirons.
Le désir est en l’occurrence le maître mot. C’est en effet par une volonté agissante que l’on atteint ses objectifs. L’initié fraîchement émoulu s’en convainc immédiatement, de façon intuitive, sitôt qu’il frappe la première fois la pierre brute, dans le temple.
La juste filiation
L’augmentation du salaire est autant la reconnaissance du travail effectué qu’une incitation à entreprendre celui à venir. Qui a fait bien peut faire mieux. Et quand le maçon sera en pleine possession de ses atouts sur le plan de la connaissance symbolique, qu’il aura acquis la maturité lui permettant de juger et de travailler par lui-même, il n’aura plus à attendre de salaire de quiconque, sinon celui de sa conscience.
Une promotion, une élévation ne se demandent pas, elles s’obtiennent. Là où dans le monde profane la rétribution accroît le bien-être matériel, en francmaçonnerie elle bénéficie à l’esprit du récipiendaire. Franchir les premiers stades de la vie initiatique s’apparente à des réveils. Ceux-ci, on en conviendra, ne doivent pas être brusques pour être efficaces et producteurs. Un lent mûrissement est préférable à une révélation intempestive. Un labeur patient met en évidence ce qu’il nous importe de savoir. Le principal intéressé va découvrir ses propres ressources intérieures, il se reconnaîtra progressivement une capacité à entrevoir des domaines différents de ceux auxquels il était habitué. Il sera encouragé dans la poursuite de sa quête. Tout ce processus de décantation s’inscrit dans un contexte de fraternité active, facilitant au mieux le développement individuel de la personne. Est-il indispensable de recourir au terme de salaire avec sa connotation d’espèces sonnantes et trébuchantes ? Ne pourraiton en lieu et place proposer un titre d’honneur de type académique ? Nullement. D’abord parce que la franc-maçonnerie n’a pas de hiérarchie dans l’acception courante du terme, ses membres ont des fonctions, des charges, aucun n’est subordonné à un autre. Tous ses mâillons sont égaux en droits et en devoirs. Ensuite, notre filiation directe étant celle des bâtisseurs du moyen âge nous en gardons un certain nombre de coutumes qui transposées sur le plan symbolique fondent notre raison-d’être, dont celle du paiement des ouvriers.
Indissociable du travail
«Tout travail mérite salaire», dit-on communément. L’inverse est vrai aussi, à savoir que toucher une rémunération pour une activité non accomplie serait dans le meilleur des cas incongru, et dans le pire : trompeur. L’on sait que des obédiences font, au cours d’une même journée, accéder un candidat aux trois grades de la maçonnerie traditionnelle. Nous oeuvrons sur le symbolisme, or celui-ci s’acquiert sur une durée plus ou moins longue. Autrefois – et peut-être aujourd’hui encore en quelques endroits – il arrivait que plusieurs années séparaient un grade du suivant. De nos jours, on compte en général douze mois entre deux étapes, ce qui est relativement court, d’où l’importance d’encadrer comme il convient l’Apprenti puis le Compagnon. Il pourra dès lors tirer le maximum de l’enseignement prodigué, car il ne faudrait pas non plus prendre trop d’aise avec le temps, fuyant plus vite qu’on ne le pense. Dans ces conditions, ne lésinons pas sur les séances d’instruction, les conseils de lecture et les rencontres informelles. L’ensemble de l’atelier a sa part de responsabilité dans la formation du Frère, basée de préférence davantage sur un accompagnement attentif plutôt que sur une approche didactique. Le salaire est indissociable du travail. Par ricochet, l’étude et la pratique du symbolisme sont en étroite corrélation avec la dimension fraternelle de notre société.