Défense pour un environnement éthique et spirituel
Introduction à la World Conference, Madagascar. Les valeurs fondamentales de notre monde sont journellement attaquées par l’intolérance, les vertus bafouées et rejetées. Quel message la Franc-maçonnerie doit-elle faire passer à ses membres et aux générations futures ? Les problèmes de la société s’appellent environnement, emploi, esponsabilité. Une autre approche de la Franc-maçonnerie pourrait pallier la désaffection des jeunes qui veulent y répondre.
Par le R∴ F∴ J.-M. M.
L’homme porte en lui l’énigme du monde. C’est lui qu’il faut connaître pour comprendre l’univers et c’est pourquoi toute connaissance du monde commence par la connaissance de soi. Nicolas Berdiaev, philosophe orthodoxe russe, écrivait déjà en 1916 que l’homme se présente comme le centre absolu du cosmos. Toute véritable démarche conduisant à la connaissance de soi exige donc de s’assumer, de prendre la responsabilité de soi-même, de sa vie et de son destin. Penser qu’une telle démarche est aisée serait une illusion, en raison même de la rigueur qu’elle impose constamment. Le sens métaphysique de la Terre ne peut être découvert par la science. Seules la philosophie anthropologique et la mystique sont capables d’y apporter une réponse.
Alors, la Franc-maçonnerie peut-elle jouer un rôle essentiel dans ce domaine de réflexion ? Fille des Lumières, elle a incontestablement assis ses idéaux dans les sociétés démocratiques actuelles. Ces idéaux ont, pour la plupart, été repris depuis par des mouvements idéologiques et sociétaux dont ils sont venus compléter les actions.
En ce sens, on rejoint les réflexions de l’Association écologie économie pour un développement durable qui pose la question de savoir comment passer d’une société qui répond aux seuls besoins solvables à celle qui réfléchit à la manière dont 7 ou 8 milliards d’êtres humains peuvent vivre ensemble.
La défense d’une écologie participative non dogmatique est une des préoccupations morales de ceux qui se consacrent à la défense de l’environnement ; sans oublier qu’aborder l’écologie d’une manière sèche, théorique, technique et abrupte était la manière la plus inadéquate d’en faire connaître l’apport positif.
L’écologie fait appel à diverses branches du savoir : une science de la nature et de l’homme. Elle relie toutes les composantes de l’environnement et le fonctionnement des sociétés, et réfléchit à préserver les ressources naturelles. La spiritualité, quant à elle, permet de développer une optique ni individualiste ni égoïste et qui consiste à savoir comment devenir plus altruiste. Cette interrogation est au coeur de tout ce qui pousse l’homme à se tourner vers ce qui le dépasse et le met en situation de développer une relation avec les autres hommes par la quête d’une transcendance. Cette expérience enseigne alors qu’il y a une certaine unité entre tous les êtres humains et toutes les composantes de l’univers.
Dans les années 1970, on a entendu parler du Club de Rome et du rapport Meadows « Halte à la croissance ». Puis est apparu le mouvement de La Gnose de Princeton mené par des scientifiques renommés qui posent comme base que la science ne peut plus ignorer les problèmes de société que son propre développement génère.
De nombreux articles, parfois contradictoires, ont entraîné une réflexion profonde sur les relations entre science, société et spiritualité. On trouve dans ces mouvements le fondement de ce qui deviendra le Développement durable et permettra la tenue du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro (1992).
La notion de développement soutenable introduit le schéma connu d’un triangle dont les sommets s’appellent environnement, économie et société, d’égale importance, et dont le bon fonctionnement de chacun dépend de celui des deux autres. Toute action devrait donc forcément être issue d’une négociation entre ces trois partenaires. A court terme, le bilan de cette négociation est positif car il place en premier la capacité à mettre en oeuvre une pratique démocratique. Mais à long terme, le bilan est plus contestable, la négociation satisfaisant aux besoins des acteurs présents, ignorant ceux qui n’y ont pas pris part : les générations futures.
Le 15 novembre 2000 à Katmandou, le Prince Philip, Président d’honneur du WWF-International présentait au monde 26 « cadeaux sacrés » en faveur de l’environnement, offerts par 11 religions : bahaï, bouddhiste, chrétienne, hindoue, jaïna, juive, musulmane, shintô, sikhe, taoïste et zoroastrienne ; initiatives similaires reprises, en 2001, par les 6 principales religions représentées en France. Et nous ?
Le Franc-maçon aurait-il également un rôle à jouer en matière de défense de notre environnement ou plus largement du maintien de la biodiversité et de la vie sur Terre ? N’aurions-nous pas à mettre en pratique cette éthique étudiée dans nos Travaux et nos Loges au service d’une conscience plus élevée de nos devoirs envers une Humanité, au sens le plus large du terme ? Considérerions-nous, avec Kant, que la moralité d’une action dépend de sa conformité avec les principes déontologiques qui sous-tendent que certains devoirs ne permettent aucune dérogation et qu’il convient de les rappeler dans nos instructions morales ? Ces principes moraux qui justifient le respect de la nature et la protection de la biodiversité.
Répondre aux questions précédentes nous entraînerait à suivre la voie proposée par Virginie Maris : développer un système moral suffisamment riche pour rendre compte de la diversité de nos responsabilités, être la voie privilégiée d’une éthique pour guider les nombreuses actions individuelles ayant un impact sur l’environnement.
Nous voici donc placés devant l’alternative qui consiste à continuer de pratiquer cette Franc-maçonnerie que nous connaissons depuis 300 ans, au risque de voir nos effectifs s’en désintéresser, ou nous consacrer volontairement et personnellement à défendre les valeurs nouvelles portées par une éthique personnelle, environnementale et spirituelle.
Cela implique d’une manière évidente une double action sur la formation de nos Frères et leur éducation en la matière, comme proposée par Pierre Rabhi : Puisqu’à terme, l’économie de croissance et les croyances qui la fondent n’ont plus d’avenir… l’éducation et l’enseignement devraient favoriser l’évolution de l’être humain en remplaçant les valeurs de compétition et performance par des valeurs d’humanisation nécessaires au monde de demain. »